C’est fou comme la vie, en grande joueuse qu’elle est, nous donne par moment de petits coups de pattes qui viennent ébranler nos certitudes. Je m’en vais vous narrer en quelques mots ce qui motive cet article.

L’autre soir, j’ai participé avec grand plaisir, à une soirée « Trivial poursuit », chose qui ne m’était pas arrivée depuis des années. Vous me direz que vous n’en avez rien à faire et sans doute avez-vous raison, mais si je me permets de vous raconter cette soirée, c’est qu’elle a été riche en enseignement et que, dans ma grande bonté, je m’en voudrais de ne pas les faire partager aux ignares que vous êtes. Je plaisante, bien sûr, mais sous la plaisanterie, il y a toujours un petit fond de vérité !

Comme vous le savez parfaitement, le «’’Trivial poursuit’’ est un jeu qui consiste à réunir un certain nombre de personnes si possible sympathiques, autour d’un plateau couvert de dessins ésotériques et bigarrés, à organiser ces dites personnes en équipes sympathiques, à jeter un dé et à répondre à un tas de questions diverses et désagréables, dont les réponses exactes permettent de remplir avec des quartiers colorés un bout de plastique au demeurant sympathique appelé camembert. Le but ultime est d’amener votre camelot au centre du plateau avant les autres joueurs qui, brutalement, ne sont plus sympathiques du tout.

Dit comme ça, ça paraît compliqué et vous vous dites : « Je suis un bleu ; je vais devenir chèvre à vouloir remplir un camembert qui ressemble à une vache qui rie. Si j’ai l’époisses et si par un caprice des dieux, je n’y arrive pas, je pourrais comté sur l’édam pour passer pour un crétin de chavignol! ». Ne croyez pas ça. C’est à la portée du premier imbécile venu, la preuve, j’y arrive ! Tout ça pour vous dire que les sympathiques participants à cette empoignade se divisaient en 2 groupes : les ados et les adus. Autrement dit, les jeunes et les…… autres. Vu ce qui va suivre, par pitié pour leurs parents et professeurs qui ont comme vous et moi, la naïveté de penser que leurs enfants profitent de la culture générale qu’ils leur inculquent à longueur d’année, je ne dévoilerais pas leurs noms.

Quoique, bien réfléchi, je suis tenté. Non, non et d’ailleurs, vous pouvez prendre n’importe lequel des ados autour de vous, la situation sera sensiblement la même. J’ai donné à mes enfants le goût de la lecture et ma femme, l’intelligence, car moi j’ai toujours la mienne ! Eh bien, à ma grande honte, les nôtres sont comme les z’otres !

Donc ce soir là, il y a parmi les ados un nommé Boulba. Non, il n’a pas de handicap physique, du moins visible, c’est juste son nom. Il est Népalais d’origine, mais pas beau non plus. On se dit que, parfois, les miroirs devraient réfléchir avant de renvoyer les images. Il vient d’Arras Boulba et comme les Népalais, il a le nez pâle. Boutonneux aussi: on peut lire en braille sur son visage. Il est habillé sur le modèle en vogue: 3 chemises ouvertes l’une sur l’autre, un pantalon bariolé dans lequel un copain peut vivre avec lui, des baskets si grosses qu’elles ont dû servir à la mission Apollo, une coupe de cheveux bicolore hésitant entre l’iroquois et le bagnard et des lunettes de surf qui s’imposent vu l’éclairage insoutenable du salon. L’air gentil (il ne manquerait plus qu’il morde!), mais typé un peu mou du bulbe. Les autres spécimens de son âge sont du même genre, en plus éveillés quand même. Et là, durant cette partie et grâce à eux, j’ai appris des choses dont nous autres, pauvres adultes, ne soupçonnons même pas l’existence.

S’il est vrai que personnellement, j’ignore qu’un pyrothécophile collectionne les cartouches ou que 100 chetrums valent 1 ngultrum au Bhoutan, je ne savais pas non plus que Toulouse-Lautrec ont fait match nul, que Doc Gynéco est le fils de Papa Doc, que Frankie Jordan est tombé en panne d’essence avec Maria Shell (il y a très longtemps quand même), que Bombard avait inventé les signes du Zodiaque et que Thierry Sabine était le créateur de la croisière noire. Avouez mon étonnement!

Pire encore, mes études classiques ont sans doute été bâclées puisque, à ma grande surprise, je découvre brutalement que Maupassant a écrit Ben Hamid (Bel ami), que Stendhal était une chanteuse à Parme (la chartreuse de Parme) et que Balzac avait une cousine bête ! J’apprends aussi avec effroi que Laclos a fait des livraisons dangereuses (les liaisons dangereuses), qu’Homère ne savait pas que Lilianne est au lycée (L’Iliade et l’Odyssée), que le diable se marre chez Georges Sand (la mare au diable) et que chez Pétrone, le satyre est con (le Satiricon)! Sartre pourrait dire:« C’est Lettres et le Néant ! ». Sous la rubrique Histoire, on m’explique dans le désordre que le jumeau de Castor etait Bonux alors que Caïn était le frère de Caha , que les kamikazes japonais étaient des bonsaïs à cause de leurs cris de guerre, que Staline se prénommait Youssef, que Dalida était la femme de Dali, que le fils de Pépin le Bref s’appelait Philippe le Long (ça rétablit l’équilibre), que la pauvre Lady Diana a été jardinière d’enfants avant d’être potiche à la cour comme ça elle ne changeait pas de registre, et que Jiang Qing (veuve de Mao) étant la sœur de Bruce Lee car elle avait tourné dans le film ‘La bande des quatre ’. Imaginez mon désarroi ! Moi qui étais toujours premier en histoire, on m’avait donc menti durant toutes ces années !

Je ne suis pas au bout de mes surprises et la soirée se poursuivant, je continue mon éducation, corrompue sans doute par trop de lectures dites ‘’sérieuses’’, sous l’œil noir de Boulba dont le camembert reste obstinément vide. Il s’avère alors que ma culture scientifique est tout aussi lamentable. Par exemple, je ne sais pas qu’une nanoseconde est juste derrière une nano première, ce qui paraît logique, que la gestation de la femelle dugong est de 3 ans (on comprend que le mâle soit généralement de mauvaise humeur…), que la lune fait le tour de la terre en 365 jours (merci pour les amoureux), et pour finir, que je risque ma vie en achetant une montre anglaise car les lettres pm signifient post-mortem ! Grâce à une copine présente, je sais aussi que contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas le penthotal qui rend bavard, c’est la vodka! Et dire que, s’il n’y avait pas eu Boulba et ses copains, je risquais de disparaître en ignorant toutes ces choses essentielles!

J’arrête là une énumération qui va devenir fastidieuse, mais j’avoue qu’après avoir passé un moment de franche rigolade, la leçon à tirer est malheureusement évidente. Je ne suis pas là pour faire le procès d’un système d’éducation ou de méthodes d’enseignement. Je n’en ai pas l’autorité, le lieu ne s’y prête pas et mon propos est seulement de divertir. Mais à l’heure d’Internet et des autoroutes de l’information, des brassages de cultures et de l’ouverture sur le monde, il est triste que nos enfants possèdent dans l’ensemble, une culture générale aussi délabrée.

Bien sûr, on peut vivre sans savoir dans quel pays vivent mille ethnies parlant environ sept cents langues ou qui a découvert le vermicelle, n’est-ce pas ? Je vous rassure, je ne le savais pas non plus et Boulba l’a déjà oublié ! Mais ça fait partie de ce que l’on peut considérer comme notre patrimoine commun et je crois que l’on se doit de le conserver et de le transmettre aux générations futures. C’est une très vieille poursuite entre l’inné et l’acquis, l’utile et l’agréable, le nécessaire et le superflu, le yin et le yang et toutes ces sortes de choses.

Bon ! Arrêtons d’être pompeux comme diraient les shaddocks et avec Boulba, revenons à nos boutons. Alors, si des gens sympathiques vous proposent bientôt une partie de « Trivial Poursuit », ne vous jetez pas sur votre dictionnaire. Emmenez plutôt vos ados et vous vous coucherez, comme moi, moins bête que lorsque vous vous êtes levés !

PS: Cet article n’est pas une attaque contre les ados. Je les aime bien, même Boulba d’Arras !

PPS: À l’attention des auteurs du jeu susnommé, j’attends le versement des royalties pour la pub !

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