La grande question dans les écoles de médecine est: « Toubib or not toubib ? ». Ma question est: Vaut-il mieux faire l’humour avec amour ou l’amour avec humour ? L’humour est l’art de parler légèrement des choses graves. C’est une façon de conserver une certaine distance par rapport aux événements et aussi le seul moyen de résister quand la vie nous fait trop de misères. Ca permet de remettre les choses, et souvent les gens, à leur juste place!

J’aime particulièrement l’humour anglais, un humour glacé et sophistiqué qui permet à nos cou­sins d’outre-manche, de rester dignes dans les pires situations. En contrepartie, j’apprécie aussi le calembour, un type d’hu­mour plus latin. Le calembour est à l’humour ce que les bottes sont à l’égoutier : lourd, mais indispen­sable. Ce terme provient sans doute des plaisanteries transpor­tées par les marins en bordée de cales en bourgs. Le calembour consiste à remplacer un mot par un autre dont la sonorité est iden­tique. C’est un lapsus volontaire. Par exemple, on peut dire : un rendez-vous de cinq à sept ou : un rendez-vous de cinq ascètes ou bien : un rendez-vous de cinq cas­settes ou encore : un rang des fous de Saint Casse-tête (saint peu connu à part chez les cruciverbistes) ou mieux : un rendez-vous de cinq gars secs et même: un rang des poux de cinq Aztèques! C’est encore mieux quand ça ne veut rien dire.

Cousin du calembour, le jeu de mots est beaucoup plus riche car il permet de multiplier les effets en créant des images. Par exemple: un manchot vend une charrette à bras première main. Prospère comme Mérimée, c’est un prince sans rire.

N’importe qui peut faire des jeux de mots. Comme la prose de M. Jourdain, on en fait même sans s’en aperce­voir. Plus amusant encore est de détourner le sens des mots. Voyons un peu ce qu’on pourrait tirer d’un procès-verbal de police à peine imaginaire.

Procès-verbal écrit (ça com­mence bien !), rédigé par le sous-brigadier Basile De Koch concernant l’acci­dent de circulation du sieur Lee Trémouillé contre un arbre non identifié au lieu-dit Le Trou Dladame le 31 février à 02 h 45. Les faits sont les suivants : Après s’être rendu de la ville de Saintropdpèze à Fraisjustes (bizarrement dans le même département), le contrevenant, hale­tant, a pris le temps de s’arrêter ‘’ pour s’en jeter un derrière la grotte’’ (sic). Garé dans un tas d’ébriétés, il effectue un credo pour repartir. Il pense que sa glace est ouverte, mais en passant sa tête au travers, il s’aper­çoit qu’elle est fermée. Surpris, il accélère, rebondit dans un zodiac mouillé là par inadvertance, qui ne se dégonfle pas et le renvoie de l’autre côté. Brutalement ques­tionnés, les freins ne répondent pas. Il rentre de plein fouet dans un arbre en stationnement. Sourd et muet il est entendu au poste. Il présente son permis d’éconduire et, fouillé minutieusement, il est trouvé porteur d’une valise où l’empreinte digitale de la fesse droite est nettement visible. Un témoin déclare : « je n’ai jamais vu un arbre se jeter aussi sauvage­ment sur une voiture. »

Résumé de la déposition du suspect « Né bébé, le suspect est suisse par sa mère et blond par un ami de son père. Conçu dans une église, ce fut une fécondation in vitraux. Physiquement, il est d’une laideur intéressante qu’il voudrait bien échanger contre une beauté tout ce qu’il y a de plus banale. Bien que chaussé de verres doubles foyers (des verres pour adultères), l’homme ne voit pas plus loin que le bout de son nez qu’il a rouge et épaté. Orphelin (on ne pense pas assez aux parents d’orphelins provisoirement décé­dés), il est marié contre son gré et contre sa femme. Il a 2 enfants dont l’un est une erreur.

Bon à rien mais prêt à tout, il déclare avoir exercé de nombreux métiers. Au hasard : ex-pion, agent double pour ne pas être seul, homme de paille fauché, fakir qui danse avec les clous, et même cyclope. Comme il ne dormait que d’un œil, il a été renvoyé. Le moral en berne (ce qui est normal pour un suisse), il est provisoirement homme à tout flair. Ne se sentant pas bien, il devient brièvement tulora, mais redevient rapidement indien car, c’est bien connu : indien vaut mieux que 2 tuloras. Un moment, il élève, mais pas bien haut, des bengalis dans un bungalow au Bangladesh où il échange égale­ment un cochon espagnol tout tris­te contre un porc tout gai. Aujourd’hui, il vend de toute urgence une bombe à retardement, sans grand succès. »

Voilà ! Comme dirait un eunuque guillotiné, ça n’a ni queue, ni tête. Pour finir en beau­té, un aphorisme de Pierre Dac, grand amateur de jeux de mots et notre maître (72) à tous : « Un gars entre dans un bar. On lui dit « Ferme la porte, il fait froid dehors » Le gars va fermer la porte mais il fait toujours aussi froid dehors ! ».

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