J’ai eu la triste expérience de perdre un proche à Marrakech. Inutile de vous dire que les premières démarches ont été un enfer (mais je vous ferai un article très précis à ce sujet). Je vais plutôt m’attarder sur le cimetière des étrangers…et si le sujet est loin d’être « fun » il est, en plus, écœurant. Âmes sensibles, ne lisez pas cet article.
Les pompes funèbres
Ici on parle chiffre et papiers, pas de perte de temps, c’est efficace.
Nous avions le choix entre 4 options : 23 000 Dirhams, 30 000, 40 000 et 44 000.
Pour ce tarif vous avez le cercueil, un corps rapidement nettoyé et habillé, la concession perpétuelle au cimetière des étrangers de Marrakech et les papiers.
Attention, c’est payable immédiatement en espèces, pas de chèque (manquerez plus que le chèque soit sans provision et le corps dans le trou, non mais !!! vous rigolez ou quoi !)
Si vous voulez vous préserver, envoyez un tiers non concerné….ce sera mieux. On vous remet si rapidement les pieds sur terre que vous n’avez pas le temps d’être triste. Si vous êtes plus dans l’organisation que dans les larmes, la famille risquerait d’être choquée par votre comportement…faites gaffe !
Un no man’s land
Quand vous entrez dans le cimetière vous avez du mal à y croire. Un rapide coup d’œil pour constater que l’endroit n’a pas de budget, c’est évident !
Tombes décrépites, mausolées en ruine, allées abandonnées où la nature a repris ses droits. Le sol doit être riche en minéraux pour que les mauvaises herbes soient si heureuses et s’épanouissent.
Vous voyez le décor de « The Walking Dead« …pas loin. C’est flippant !
L’emplacement
La « procédure » nous conduit doucement jusqu’au lieu de l’inhumation que vous découvrez le jour même (d’ailleurs c’est sympa, on arrive près des murs de la prison de la ville. Les barbelés apportent la touche finale au décor).
Des trous à taille humaine alignés tous les 3 mètres vous accueillent. On est dans la réalité de la vie !
Sur l’un d’entre eux est déposé, sur la terre, au dessus de deux morceaux de bois de chantier, le cercueil choisi.
« Tu retourneras à la terre » qu’Il disait…ce n’est pas un mensonge à Marrakech.
Triste, on se fait une raison, de toute façon on a plus choix.
Les affaires reprennent
Evidemment à la sortie, non pardon, à côté du trou (!!!), les affaires reprennent.
Le « maçon du cimetière » accoste celui qui semble être l’organisateur, non, le donateur….décidément j’ai du mal à me concentrer.
Vous n’allez pas laisser que de la terre ? on va vous faire une jolie tombe ! les échantillons sont à vos pieds, c’est pratique.
– « Ah, elle belle celle-là, simple et moderne en ciment blanc. C’est combien ? »
– « 7000 Dirhams, le prix d’une dalle de villa avec la plomberie ! » nous dit Mustapha sans cligner de l’oeil et en nous remettant sa carte de visite (je vous ai donné son prénom ça peut être utile).
Anéanti, abasourdi et fatigué de vous faire arnaquer, vous êtes d’accord…(je n’en reviens encore pas !!!)
Et on repart, doucement, de ce lieu improbable en se disant qu’on reviendra avec plus de tranquillité, pour se recueillir….mais c’est une erreur.
On y retourne ?
Plusieurs semaines plus tard, je décide d’y retourner. Il faut payer le maçon à qui nous avons versé un acompte ! (avec ces chiffres on peut parler d’une garantie financière, voire d’une hypothèque)
Mais surtout, je vais enfin pouvoir prendre le temps de parler à mon proche, tranquillement. Et pourtant, ce ne sera encore pas pour aujourd’hui.
Je traverse une nouvelle fois ce décor de cinéma.
Je pense : « joli ce nouveau bosquet naturel…comment a-t-il fait pour pousser en plein milieu de ce chemin de gravier ?…la nature est bien faite tout de même, et au moins, elle est sure que personne ne l’embêtera avec des désherbants…on est dans un cimetière bio, entièrement naturel ».
Je sens une présence qui me suit, qui se dissimule entre les herbes hautes….et croyez-moi, dans un cimetière, c’est flippant.
Je me retourne…non ce n’est pas un jnoun (les marocains vont rigoler, allez voir sur le web)….ce n’est pas non plus une personne chargée de l’entretien on l’aura compris….ce n’est que le « jardinier/fleuriste du cimetière » ! Ouf !
Je contourne les nouveaux trous creusés pour m’approcher de mon proche. Enfin seuls….
….mais seulement une minute ! Rrrr !
Le jardinier arrive avec un arrosoir et tente de me faire comprendre pendant 10 minutes que c’est lui qui entretient la tombe. La-dessus, il dispose 4 pots de fleurs supplémentaires….ils ont l’air d’avoir été déplacés d’une autre tombe….plus rien ne m’étonne.
Puis il attend 5 minutes, et repart à une distance calculée de 20 mètres, baisse les yeux et jette des coups d’oeil furtifs sur ma main, au cas où elle s’approcherait de ma poche. Il se met à décrire des grands cercles autour de moi entre les tombes et les mauvaises herbes.
Je ne suis pas seul. Impossible de parler.
J’en profite pour inspecter « les travaux de la villa »…c’est correct, mais autour c’est un vrai chantier rempli d’ordures….
Sèchement, je dis au fleuriste de remballer sa came ! De toute façon il l’enlèvera dès que je serai parti. Inutile aussi que je me charge d’en amener la prochaine fois, ma décoration voyagerait d’une tombe à l’autre !
Bye Bye les vampires !
J’étais venu me détendre, passer un bon moment. Je repars les nerfs à vif, avec ce sentiment d’être la victime de nouveaux vampires, j’en ai la nausée !
Pour une fois je ne vais pas conclure, il n’y rien à dire, on reste sans voix et triste !
Bon courage !
Bonjour Caryl,
Je suis sincèrement désolée et peiné que vous ayez vécu une aussi triste expérience comme la perte d’un proche aimé et les conditions dans lesquelles se sont déroulées les obsèques.
En tant que marocaine, je vous présente mes sincères excuses.
Je vous écris de France où je réside avec mon mari.
Je suis tombée sur votre témoignage en recherchant le numéro de téléphone du cimetière européen de Marrakech.
Mon père adoptif que je chérie y est inhumé depuis 1989. Nous venions chaque année nous y recueillir et bien sûr payer le Monsieur qui s’occupe particulièrement de la sépulture et de son entretien.
depuis deux ans à cause de la crise sanitaire nous n’avons pas pu venir à Marrakech. Entre les confinements, les interdictions de sortie du territoire ainsi que la fermeture des frontières marocaine nos différents vols ont été annulés.
Excusez-moi, j’écris tout ça car j’ai trop de peine et j’ai peur que la tombe de mon chèr Papa soit abandonnée.
Merci de m’avoir lu. Cela fait du bien d’écrire pour se soulager un peu.
Bonne continuation à vous