L’autre jour, (pas celui-là, l’autre), nous étions en voiture et mes deux fils commencent une conversation animée sur les jeux vidéo.

Intéressé par le sujet, je tends l’oreille gauche, la droite étant occupé par le babil de mon épouse sur ses problèmes ancillaires récurrents.
Au bout de quelques instants, je commence à me poser des questions. A part les locutions fleuries par lesquelles les ados débutent et terminent toutes leurs phrases, je ne comprends rien à leur dialogue. Ce n’est pas du verlan dont ils me restent quelques traces suites à une jeunesse parisienne. Ce n’est pas non plus une langue européenne dont la consonance me serait familière et il est illusoire de croire que mes enfants aient été brusquement touchés par la fée des langues. Serait-ce de l’ouzbek ou un dialecte tamoul qu’ils auraient appris subrepticement? Hypothèse tentante, mais farfelue.

Afin que vous puissiez juger, je vous retranscris leur sabir en m’excusant à l’avance pour les termes crus, ce sont les inconvénients du « live »:

Pu….n! Hier soir 3 heures, ping de m…e, ça rame à mort. J’étais au Loch Modan et un noob me whispe!»
Sans doute un low! Tu l’as looté où ton stuff ?»
Arrête! J’étais oom pour les buffs, mon pet out et des démos au c.l!»
Pu….n! Un nolife de plus et t’étais wipé!»
Non, y’avait encore un tauren chamane et un palouf.»
Ouais, mais avec les orcs et les trolls en plus des repops de trashmobs, c’était pas cool!» (sic)

Profitant d’une pause, je demande innocemment:

Ma culture n’est pas immense, loin de là, mais de quoi parlez-vous?»
Ils pouffent de rire.
Mais Papa, c’est de Wow!»
Ah bon! Si c’est de Wow alors…!»

Malgré mon air entendu, je sais seulement que Wow est l’abréviation de World of Warcraft, jeu vidéo planétaire qui rassemble 8 millions de joueurs passionnés sur Internet. Je n’en sais pas plus, mais si vous n’y connaissez rien non plus, ne pleurez pas, ça arrive à un tas de gens charmants. Les règles du jeu, sans doute pondues par un stagiaire préposé au café, sont assez difficiles à comprendre quand on est à jeun. Pour ne pas mourir idiots ou avoir comme moi l’air ridicule devant vos enfants, je vous transmets ce que j’ai compris des explications condescendantes de ma progéniture.

Wow

World Of Warcraft est un M M O R P G. En anglais: Massively Multiplayer Online Role Playing Game. Bon! On se sent tout de suite beaucoup mieux! Dans ce jeu de rôle, deux factions cohabitent : la Horde (les mauvais) et l’Alliance (les bons). Les deux se battent contre le mal suprême nommé Fléau et entre eux quand ils n’ont rien de mieux à faire. Chacune de ces factions a des races distinctes aussi laides les unes que les autres. La Horde comprend les Taurens, les Orcs, les Trolls et les Réprouvés. Les Taurens sont des taureaux monstrueux, les Orcs des porcs sans P, les Trolls des ……Trolls et les Réprouvés des morts-vivants. L’Alliance n’a pas beaucoup mieux avec des Nains difformes, des Gnomes qui sont des Nains en plus laid, des Elfes très mignons et des humains style Punks avec armure 12éme siècle. Le joueur choisit dans ces races son avatar (personnage) et sa classe (spécification). Il peut devenir paladin, guerrier, chasseur, voleur, démoniste, ou plus aimablement, prêtre, mage, chamane ou druide, chacun de ces affables personnages ayant des talents particuliers et souvent un pet (prononcer pète). Cela ne signifie pas qu’il a des gaz, mais un animal de compagnie qui l’aide dans ses combats. C’est guerre et pet en quelque sorte. Le joueur rentre alors dans le monde de Warcraft et commence à faire des quêtes qui le font progresser. Cela consiste à courir comme un dératé dans des contrées sombres et verdâtres en criant (qui quête? qui quête?) pour trouver un copain qui quête aussi. Il discute avec d’autres rigolos dans un langage basique totalement incompréhensible à tout être normalement constitué ayant fait des études supérieures.Un tas d’entités immondes s’entêtent à le trucider, mais il explose des monstres, balance des sorts à tout va, re-explose les monstres qui sont revenus (repops), est bouffé par une araignée géante mais ressuscite dans un cimetière (!), éviscère un Orc et dépèce un mort-vivant, tout ça en courant à travers plusieurs continents sur 60 niveaux.

C’est dégoûtant et épuisant. Arrivé au niveau 60, si ses chausses ne sont pas en loques à force de courir, le jogger peut intégrer une guilde (réunion de joueurs) qui lui permet de continuer à progresser vers les niveaux supérieurs. Au top niveau, il ne fait plus que des instances (combat contre des forces contrôlées par l’ordinateur) ou des BG (batailles contre d’autres joueurs). Ce monde sans fin permet au joueur de (sur)vivre à travers un personnage héroïque et unique à l’intérieur d‘une communauté dans laquelle il se reconnaît. C’est bien beau tout ça, mais il y a aussi quelques menus désagréments à cette aventure vidéo ludique.

Destin

Du fait que l’on doit constamment progresser et partager son destin avec d’autres joueurs, cela demande une assiduité qui tourne vite à la dépendance. Ceux que l’on appelle les ‘’no-lifes’’ sont tellement accros qu’ils peuvent rester 3 ou 4 jours non stop sans quitter leurs écrans avec de la nourriture et des couches leur permettant de ne pas s’absenter! Souvent, leur vie dans Wow étant plus brillante que leur vie réelle, ils se déconnectent de la réalité et finissent par se prendre pour leur héros. Dans certains pays d’orient, on trouve des cliniques spécialisées dans les névroses causées par ce type de jeu. On reconnaît aisément les joueurs forcenés: ils sont bronzés comme des lavabos, ont le bout des doigts tout plat, le bras droit hypertrophié, les yeux exorbités et l’empreinte du clavier sur le front. Leur vie de famille se réduit à la sustentation indispensable à leur survie et leur conversation ressemble plus au catalogue de La Redoute qu’au Dialogue des Carmélites. De plus, il vous faudra naturellement payer un abonnement au jeu et suivre de prés l’évolution de la technique informatique sous peine de graves conflits internes. Débit Internet top niveau, achat de cartes graphiques diaboliques, acquisition de tapis de souris géants ou d’écrans démesurés, seront des étapes indispensables et ruineuses. Mes fils n’en sont pas (encore) là, mais s’en approchent.

Certains signes ne trompent pas. Quand votre enfant commence à surcharger son disque dur de démos et patchs d’origines aussi variées que douteuses, quand il défragmente ce disque surchargé tous les 3 jours, quand il vous demande une souris laser plus rapide que la souris laser plus rapide du mois dernier, il y a danger. De plus, pour des question de débit (le fameux « ping »), les hostilités commencent la plupart du temps à la nuit tombée au détriment du sommeil. Du sien comme du vôtre, car une fois que vous vous serez levé à 11 heures du soir pour le faire arrêter, à 01 heure du matin pour le menacer et à 04 heures pour des voies de fait et tout cela sans succès, vous commencerez à comprendre.

Plusieurs solutions s’offrent alors à vous.

La plus simple est de revendre votre PC, mais il existe un tas de cybercafés remplis d’ordinateur lui permettant d’assouvir sa passion. Frustrant.
Une autre méthode est de vous mettre aussi à Wow. Il vous suffit de démissionner de votre travail, de divorcer et d’acheter suffisamment de couches pour tenir plus longtemps que lui et l’avoir à l’épuisement! Risqué.

En dernier, une parade a été prévue par les concepteurs du jeu conscients du problème. Vous pouvez autoriser l’accès au jeu uniquement dans les tranches horaires de votre choix avec un mot de passe sur le net. Mot de passe que votre rejeton va mettre tout au plus 1h30 à décrypter. Fâcheux.
En désespoir de cause, vous pouvez toujours vous initier à G.W, C & C ou C. S. Comment? Vous ne savez pas non plus de quoi il s’agit? Guild Wars, Command and Conquer et Counter-Strike sont les trois jeux mythiques des débuts du multi joueur qui, avec Wow, excitent encore les neurones des « hard cores gamers ». Ces jeux sont les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse virtuelle. Vous n’y échapperez pas.
Je me dois quand même de vous le dire. Quoi que vous choisissiez, aussi grande que soit votre patience, aussi long que soit votre entraînement, vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir. Votre cerveau sera toujours plus lent que le sien, votre lombalgie chronique vous laissera tassé sur votre siège et vos rhumatismes articulaires auront raison de votre clavier. Je sais, c’est très énervant, mais c’est ainsi!

Il ne vous reste plus qu’à vous venger. Invitez-le à une soirée belote, conviez-le à une partie de « Questions pour un champion » ou traînez-le à un concours de rock. A chacun son tour d’être ridicule!

Je sais, c’est très mesquin, mais qu’est-ce que cela fait plaisir!

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